Je me souviens dans les années 1970 que le marché frais de ma jeunesse couvrait tout le centre ville dans la ville où j'ai grandi. Aujourd'hui, il ne couvre que même pas 1/10é de la surface.
Le marché n'étais pas que l'occasion d'acheter, il était l'occasion d'échanger, prendre des nouvelles, faire de la propagande électorale, se montrer, et pour ceuzes qui avaient l'envie en échange d'un pot de vin au placier l'occasion de vendre parfois même un peu au black.
Aujourd'hui, et mon point de vue est que ce n'est pas la faute d'internet mais qu'internet en est un symptome, ces espaces de vies IRL (In real life/dans la vraie vie) ont été remplacé par des lieux d'échanges virtuels.
Il n'y a pas que le marché qui a disparu : il y a le club d'échec remplacé par les compétitions ELO en ligne, le club informatique remplacé par les multiples forums, la MJC remplacée par les studios numériques et vidéos musicales sur youtube, les radios locales (pirates parfois) remplacées par les podcasts, twitch, les partis de foot/basket/volley du dimanche entre potes remplacées par les abo à la « gym » ...
Notre société a fait un violent passage d'un espace urbain physique ouvert à tous à des espaces individualisés.
Le tout bagnole ?
Ne soyons pas aveugles, une des raisons pour lesquelles les marchés ont disparu reste la « gêne occasionnée » aux possesseurs de véhicules privés qui prennent l'espace public comme un espace privatif pour garer leurs ouatures immobiles 95% du temps.
Si je disais que wesh je jouais au foot dans la rue dans les années 80 ont me dirait que c'est inacceptable aujourd'hui ; je pourrais me faire renverser, et le « bruit du ballon » représente une gêne et le risque de briser des vitres comme un délinquant.
À Pontoise, le dimanche on pouvait faire une chose impossible de nos jours : fermer les rues aux voitures pour faire des critériums de vélos, organisés par le vendeur de vélo du quartier !
La voiture a bon dos, car j'ai aussi vécu l'enclosage des espaces publiques, dont les terrains de sports et les stades qui sont devenus accessibles que pour les assoces reconnues « institutionnellement ». Faisant d'une ville avec une palanquée de stades, une ville avec une palanquée de stades vides la plupart du temps. Ce qui est absurde, on construit masse de stades pour que les gens fassent du sport collectivement, puis on leur dit pas quand vous voulez sinon c'est le bordel. Ben, la vie c'est le bordel.
Je dirais aussi que grâce au développement de la possession d'animaux domestiques il est de nos jours impossibles d'apprécier des espaces verts qui ne soient pas minés à la crotte de chien. Et une crotte de chien c'est vraiment hyper déplaisant quand on marche dedans.
Le flicage minérale de la rue
Vu que j'étais pas un saint, je vous la ferais pas à l'envers, je dois admettre que la rue était un espace de transgression à faire à nos petites amies des choses que la morale réprouve planqués derrière un bosquet d'un parc public. Comme les vieux disaient, vous êtes pas des chiens vous pouvez faire ça chez vous quand on se faisait choper (à moins qu'ils se rincent l'œil comme des vieux pervers). On faisait joujou avec des pétards, de la poudre noire, on explorait les chantiers en constructions et les ruines à l'abandon, on « traînait » en étant bordeline délinquant.
C'est sûr qu'avec les développements de la « cipale » (police municipale) qui patrouille avec ses uniformes de militaire tout droit sorti d'un film de guerre et les caméras de vidéo-surveillance cette espace publique de transgression a disparu.
Puis aussi, on a tellement minéralisé les rues que pour faire ce que je faisais, à moins de se cacher derrière son petit doigt, il faut avoir de nos jours un certain penchant exhibitionniste.
La disparition des chiotards
Une chose qui est le symptome du fait que les humains ne sont plus bienvenus dans les villes c'est la disparition des chiotards, gogues, pissotières.
Alors certes, c'était pas le Pérou, ça sentait un peu, mais les humains ont besoin de chier et de pisser. Une ville sans chiotards est hostile à la vie humaine.
Le problème, c'est qu'avec le développement de la misère sociale qui a explosé depuis les années 1990 la présence de chiotards est devenue un aimant à clodos, migrants et autres.
Et croyez le ou pas, les miséreux restent, et leurs besoins restent, laissant dans les détours de la ville des monticules de caca humains qui puent.
Pour ceux qui ont eu le plaisir de vivre en banlieue, le train qui lorsqu'il y a des incidents peut correspondre à des longues HEURES de trajet n'a pas de gogues.
J'ai vu plus d'une fois dans ma vie des gens se soulager ou vomir sous mes yeux dans le RERA qui n'est que peu nettoyé.
Rendant une des voies de sortie de sa ville dortoir elle aussi hostile à la vie humaine.
Les contrats brasseurs et la hausse des baux commerciaux
Il n'échappera à personne que les prix des loyers sont devenus une part croissante des dépenses tant des personnes réelles que morales.
Si l'idiot a vu « la mort des petits commerces » comme la faute de « la grande distribution », le sage regarde comment les députés corrompus (surtout du coté d'Osny à l'époque) ont participé à défiscaliser une partie de l'immobilier commercial qui a participé à sa financiarisation et a résulté dans deux extrêmes : les grosses surfaces commerciales, et les franchises.
Et moi je regarde surtout les franchises.
Votre patron de bouiboui de boulangerie, supérette aujourd'hui n'est majoritairement qu'un patron que de nom, tenu par sa banque à avoir une caution bancaire solide apportée par des logiques de franchise ou de fait les « patrons » sont des « gérants ». La franchise apporte les garanties financières, subventionne l'installation « aux normes », et verrouille l'approvisionnement en blé, boisson, service, assurance et autres biens nécessaires à la vente du patron et en retour impose ses objectifs.
Dans ce monde de requin, un mètre carré est cher, plus de place pour le baby foot, le flipper, ou même d'avoir un bar à peine rempli pour être viable.
On a aussi vu sur Paris une pratique hostile aux banlieusards qui a été l'apparition des physionomistes refusant l'entrée arbitrairement (toujours aux mêmes).
À quoi bon sortir, si c'est pour se faire sortir ?
C'était mieux avant ?
LOL, non !
Il y avait une chose dans nos villes des années 80 qui étaient pire que la reconnaissance faciale alliée à l'IA : le commérage.
Être dans la rue était en soi déjà un signe d'«ensauvagement», les enfants biens y z'allaient au catéchisme, dans les clubs de théâtre, les conservatoires, les rallyes (trucs de bourges), les scouts, en vacance chez leurs grands parents.
J'ai au niveau éducatif vu une transition de la vie d'ado semi libre, capable de sortir et socialiser dans la rue, à celle cornaquer par les pratiques éducatives semi disciplinaires. La mixité sociale était déjà vue dans un mauvais œil, et le qu'en-dira-ton pire qu'un résultat de mauvaise réputation sur google.
C'est même pour ça qu'on montait sur Paname quand on le pouvait ado pour échapper à la chape de plomb étouffante de la « réputation ».
Les plus gros artisans de l'étouffement de la ville, c'était les « notables » petits commerçants dont le malheur provenait ironiquement de leurs propres décisions de réacs racistes qui vont à la messe le dimanche (ou chez les francs macs, ou au rotary club) à minéraliser, dé juvéniser, stériliser le centre ville de toute vie, considérée comme « gênante ».
La folie de l'Ordre sociale était là en contre réaction à un mai 68 plus populo, qui a vu les populos s'embourgeoiser et devenir cons comme des petits bourgeois. On appelle ça feu le PS.
C'était étouffant !
On criait pour que ça change.
Internet c'était mieux avant ?
Face à toutes ces portes qui se fermaient, aux clubs, MJC, espace publics qui n'offraient plus d'occasion d'échanger et d'apprendre, face à une société qui se refermait, internet était le rêve !
Les communautés n'étant pas encore trop grosses comme aujourd'hui, il y avait nul besoin d'être « super compétitif » dans un domaine pour être reconnu. Même installer sa première debian était un succès digne de louange.
De nos jours si t'as pas installé debian en cluster k8s en double arbre à came rancherisés avec ton routeur virtuel de réseau logiciel, t'es juste un cave.
Ce qui a changé avec internet, c'est le niveau de globalisation et les œillères numériques collées par les algo de profilage des régies commerciales de pub, qui sont aussi les premiers fournisseurs de résultats de recherche.
Dans le village « globale » on vit ce que les « administrateurs systèmes/réseaux » appellent : un « split horizon ».
Selon qui tu es, tu ne partages pas la même vision d'internet que ton voison, tout en retombant sur d'inévitables « lieux de partages » (reddit, bluesky, facebook, twitter...) qui eux mêmes sous leurs apparences de diversités t'enferme par la grâce de la personnalisation dans ton propre profil.
De même que petiot dans ta ville de banlieue tu pouvais pas t'échapper de l'image que te renvoyaient ces putains de commères, tu peux pas échapper à l'image que te renvoie les réseaux de pubs.
Et la pub c'est pour vendre. Et ce qui fait vendre : c'est la peur. Surtout en période de crise.
Internet comme la ville des années 80 est une boucle d'amplification des peurs et des inconforts personnels que l'on ressent et qui sont partagés depuis la nuit des temps : la peur de vieillir et de perdre des capacités (retrouve un corps de minots en 2 semaines de calysthénique), la peur de manquer d'argent (devient riche rapidement avec l'appli de trading Moultawa et bitcoin), la peur de ne plus être désirable (vient trouver de la chair fraîche sur la dernière app à la mode), la peur de ne plus être « à la pointe » compétitive de son domaine, dépassé, largué, oublié...
Internet abuse de notre insécurité émotionnelle, mais ce n'est pas Internet qui en est à l'origine, ce n'est que le glaçage au dessus de la culture internationalisée.
Le village global a toujours existé
Avant internet, il y avait canal + (version c'était mieux avant (ironie)), canal jimmy et quand on avait les moyens les voyages.
Johnny Hallyday a littéralement fait sa fortune comme d'autres avant et après lui (genre daft punk) à aller aux states se payer des vinyles, éventuellement des droits d'auteurs et les « localiser ». Les adapter en français. Comme La Fontaine repompait Ésope. Comme ... je ne pourrais les citer tous tellement la pratique du plagiat sans gênes est une tradition française inscrite dans les gènes de la culture française.
Je ne crois pas que l'ouverture à l'autre soit une mauvaise chose, hein ?
Je constate juste que quand un truc ressemble à un empire, bien cradoque et à vocation de domination, nos intellectuels ont un braquemare de folie envers ses cultures (présentes et passées).
La culture bourgeoise française est une culure élitiste de domination sans partage.
Culture qui a inluencé par la représentation croissante de la bourgeoisie dans la société avec amplification, nos lois, nos médias, nos tribunes publiques.
Vous remarquerez que nos intellectuels sont majoritairement des littéraires avec un mépris peu déguisé pour la science, les faits.
Eux ce qu'ils aiment c'est une forme de cléricalisme où ils ont le monopole des mots qui régissent de par l'écrit la société.
Et les lois en sont une forme.
Peu importe que la loi ne soit pas appliquées (marronier des chiens dangereux, des armes blanches, toussa), ou injuste, ce qui importe c'est les mots.
Genre peu importe que seuls les riches soient représentés à l'assemblée nationale, laissant 2/3 du peuple sans voix : c'est marqué République sur le fronton des mairies, donc on vie en démocratie.
Ce qui a disparu
Ce qui a disparu c'est la mémoire de l'occupation nazie et de la résistance.
Si souvent on parle de la résistance les armes à la main, il y en a eu d'autres tout aussi utiles dénoncées et villipendées par la bourgeoisie (qui rappelons le a collabora massivement comme corps social).
Une bourgeoisie déjà à cheval sur les mots, l'ordre et la rigueur.
Ce qui a disparu, c'est la résistance molle qui a permis à l'instar de ce qui est arrivé en Hollande de nourrir la population. Tout les citoyens qui ont refusé de respecter les lois, et ont permis de détourner de l'effort de guerre la nourriture que l'Ordre imposait. Si vous regardez les ravages comparés de la malnutrition sous l'occupation entre la Hollande et la France, il est clair que le marché noir a sauvé les fesses de nombres d'enfants.
Les gens (et c'est le cas de mon grand père qui avait fuit le STO) se sont mis à vivre en clandestinité et pour nourrir leurs familles à braconner.
Grand père qui avait déjà utilisé ses talents de braco pour faire aider à passer une famille juive en territoire libre.
Bracos que je fréquentais au lycée et qui ma foi me faisait découvrir des trésors de verdure en plein centre ville.
Mais pas que, bouilleur de crûs (comme mon arrière grand père), travailleurs au black, vendeur à la sauvette, notre société a perdu toute cette tolérance face au gris sociale, à l'économie de subsistance.
Le vrai tort des reubeus des cités est il de vendre de la drogue, ou plus prosaïquement de travailler au noir ?
Si vous regardez la pénétration du shit dans la société française, si cela se justifie sûrement par la demande, il faut constater que le marché est créatif et au vu du peu d'empoisonnement qui autrement ferait le sensationalisme des nouvelles il est de qualité contrôlée. En tout cas il est de meilleur qualité que celui des eaux minérales (trollololol).
En conclusion, ce qui détruit la société ce n'est pas internet, les bagnoles, la culture. C'est la société elle-même qui se calcifie à trop vouloir s'imposer un modèle de propreté minérale que les humains n'ont pas.
Un humain, ça chie, ça pète, ça pisse, ça baise, ça bouffe, ça échange. Le seul endroit qui lui reste est un lieu dématérialisé qui n'est pas la cause du problème, mais le symptome. On a construit des sociétés de tourisme instagrammables sans charclos, pécores, fol, originaux pertrubants parce que notre société déteste les perturbations et préfère vivre dans la vanité du miroir de la propreté positive artificielle qu'elle se renvoit d'elle même.
Mais un humain reste un animal social et rien ne remplace le contact humain qu'on lui refuse (quand il est pas riche, vu que j'ai pas évoqué le fait que maintenant quasi tout espace public accessible (centre) est privatisé, coûtant un bras pour s'aaseoir et pisser dans un minimum de confort).
Ce que l'on voit accélérer avec internet, c'est juste ce qui existait déjà « avant », la déshumanisation de la société, le rejet de tout ce qui est jugé par des faiseurs de tendance « à la marge », les inutiles qu'il faut éradiquer, qu'ils soient handicapés, inadpatés sociaux, au RSA, mals dans leur peau, et surtout ceux critiques du modèle social prétendumment inclusif.
Et bien, j'emmerde le consensus. Notre société accélère à être exclusive, elle a institutionaliser l'exclusion par la performance, la course de l'égo et du toujours mieux. Regardez les réseaux sociaux pour vous en convaincre avec les images d'Épinal que les gens se forgent. Quelque part, moi, ce que j'y vois, même quand j'y participe, c'est l'aliénation.
Notre soif de perfection affichée, est aussi une critique de notre capacité à être faillible, moche, humain. Notre culte des apparences nous rend étranger à notre partie humaine et faillible.
Une société humaine qui ne tolère pas l'erreur, n'accepte pas la rédemption qui pourtant est le centre de la figure du saint de la religion chrétienne dont on prétend qu'elle fonde nos valeurs civilisationnelles.