La partie amusante, c'est que plus on lit les journaux plus on voit «leurs biais».
Donc voici une galerie de journaux que je lis parfois avec leurs biais.
Le monde
Ce journal est républicain franco-centré au sens platonique ; jamais un courrier des lecteurs ou une tribune ou contenu externe au journal ne viendra d'un ouvrier. La légitimité de la parole vient de l'université, de la profession intellectuelle ou artistique.
Même les fact-checkers refusent d'utiliser des instruments de mesure. Ils préfèrent se référer à des sources institutionnelles fiables. Quitte à ne se référer qu'à une seule source non contradictoire pour pourfendre les conspirationnistes populaires.
Ironie ; bien que «le monde» évoque l'ouverture internationale, ce journal tend à être peu perméable aux nouvelles mondiales qui ne concernent pas au deuxième ordre les agendas institutionnels quand il s'agit de politique, société ou autres. L'étranger c'est bon pour la culture, la cuisine ou les voyages. On y apprend étonnamment qu'avec beaucoup de retard les nouvelles des pays européens.
NB: style classique à plus de 3 syllabes soporifique et limite langue de bois.
Le figaro
L'ironie du journal tient dans le fait que la citation éponyme du roman du libéral Beaumarchais est «quel mérite se sont ils donnés à part celui de naître?» est en fait l'opposé des positions défendues par le figaro.
Le figaro éternel pourfendeur de l'état et des régulations, accueil cependant toujours avec une bonne oreille les régulations biaisant le marché en faveur des entreprises pré-existantes. La seule chose que le figaro retient du libéralisme est le caractère sacré de la propriété.
Quand ils aiment à parler de l'artisanat, premier employeur de France constitué d'entreprises de petites tailles, alors pour elles toutes entorses à un marché du travail pur et parfait est acceptable. Dans ce cas pour eux tout est bon pour pouvoir embaucher des employés aidés, sous payer leurs salariés et interdire le droit des salariés à s'organiser. Oui à un marché libre ... pour les acheteurs de faire ce qu'ils veulent non à la capacité pour les vendeurs de négocier. Le libéralisme selon le figaro semble vouloir signifier : remplacer la noblesse par la bourgeoisie
Bref, le figaro est capital socialiste car il est contre l'état régulateur sauf quand l'état permet aux plus riches de payer moins d'impôt au d'instaurer des rentes de situations familiales.
NB: très bonne rubrique étrangère notamment sur le moyen orient. Et chouette style classique.
Les échos
Alors, bizarrement, bien que les 3/4 des échos sont aussi chiants à lire que BFM TV est chiant à regarder, parfois des petites perles libérales au sens historique s'y cachent, surtout dans l'avant dernière page bourrées d'édito.
On y trouve dans les grandes lignes surtout des instantanées de situations sur des secteurs d'activité et des impacts de régulations. C'est sûrement une des meilleures sources d'informations sur l'impact de la technocratie européenne.
Bien que ce soit un journal du capitalisme triomphant, qui finalement vante les mérites des entrepreneurs capables de lever suffisamment de fond pour être capable de casser des marchés établis sans véritables autres savoir faire que le faire savoir, il apprend beaucoup sur l'économie mondialisée moderne.
La seule chose à retenir c'est que le vrai mérite dans la vie n'est pas de naître, mais d'avoir la possibilité de lever des fonds. Dommage que la capacité de lever des fonds soit souvent lié à la naissance.
NB : les éditoriaux de l'avant dernière page sont souvent étonnamment intéressants. En fait je ne lisais les échos que pour ça.
Libération
Si les romantiques ont regretté l'abolition de la noblesse basée sur la naissance, ils proposèrent que la noblesse artistique la remplaçât.
Si libé est un journal de gauche compassionnelle écrit dans un style pseudo argotique mal branlé marqué années 80s, il reste sous la surface biaisé en faveur des artistes. Contrairement au monde, ils daignent accepter dans cette catégorie les artistes non issues des institutions et universités.
Étonnamment libération aime l'art contestataire surtout quand il commence à être reconnu. Genre, trend setter.
NB: le sur encrage de la première page est tel qu'il marque tout ce qu'il touche, et c'est bien la seule chose marquante de libération.
Le nouvel obs
Le nouvel obs est souvent critique ... envers les riches ... entre deux pages de pubs pour des biens immobiliers à 3 000 000 € ou des montres à 220 000 €.
Le vide intersidéral inter-pub appelé information me permet de penser que le nouvel obs est juste un catalogue de pub pour l'industrie du luxe subventionné par l'état grâce à quelques alibis intellectuel.
Pour les riches qui ont le culte de leur culture prolétarienne ... donc les anciens 68ards, qui croient en ascenseur social post 2é guerre mondiale, c'est à dire dès lors qu'une bonne guerre a eu tué tous les vieux.
Le canard enchaîné
Les prolos aiment les images, les intellos aiment les mots. Le canard qui malheureusement est resté enchaîné au passé au point de toujours nous offrir des poilades quand il s'agit de nouvelles technologies est tellement vieux et enkisté dans son passé qu'il y a sûrement un club des adorateurs dudit journal à l'assemblée à coté de celui des fans de Brassens.
Il ne sert finalement que très peu à révéler des scandales modernes, ayant décidé malgré son passé anarchiste à rester dans les frontières républicaines du drapeau nationale.
Bref, la gazette du palais. Irrévérencieuse comme un piment passé.
Le courrier international
Un des grands marronniers du courrier et la France vue du reste du monde. Rendant l'international une excuse pour regarder le nombril du pays.
Comment dire. C'est un peu le téléphone arabe de l'information à ce niveau.
L'usine nouvelle
Le productivisme à son paroxysme. Vous voulez augmenter la vitesse de traite des vaches de 40%, ou au contraire augmenter la qualité organoleptique du lait en désautomatisant vos chaînes d'automatisation?
L'usine nouvelle, journal de l’ingénierie rayonnante est là pour vous.
Nouvelles normes qualité responsables, nouveaux robots ou technique, tout y est.
Si le développement durable y est traité, c'est uniquement parce qu'un ingénieur peut garantir soit qu'il engendre une certification permettant de toucher des subventions par le respect de normes internationales, soit parce qu'il augmente un facteur important de la qualité.
Après la lecture de ce magasine vous avez l'impression qu'entreprendre se résume à avoir suffisamment de pognon pour acheter des machines ou prestations chères et toujours avoir une calculette dans la main pour prendre les bonnes décisions.
Ah si seulement la vie était faite d'information parfaite et de choix simple que l'on peut déterminer par des calculs, ce serait si bien.
La recherche
Le libération de la recherche, excepté que c'est mieux écrit.
La recherche devrait se renommer : le journal des chercheurs patentés.
En fait, comme le monde qui ne donne la parole qu'aux élites intellectuelles, la recherche ne s'intéresse qu'à la parole des chercheurs institutionnels. Nulle science n'existe en dehors des labos industriels, universitaires ou des écoles.
Peu importe que l'Académie des sciences ou l'ENS aient étaient maintes fois foncièrement réacs et opposés à des chercheurs innovants (Poincaré, Mandelbrot, Marie Curie) ils restent la meilleure source d'information sur la recherche. Peu importe que leurs yeux leurs prouvent que leurs lieux d'excellence sont basées sur une compétition biaisée, ils soutiennent la beauté du système basé sur la sélection des meilleurs.
Peu importe les turbulences et conflits la recherche est sociale démocrate : elle croit à la réforme de l'intérieur et dans la capacité des institutions à se réformer et à l'excellence.
NB : En science? Il y a quand même des beaux sujets, mais il y a un rapport signal bruit élevé, et surtout son coté béni oui-oui institutionnel lui fait manquer le sujet le plus important aujourd'hui en science qui la critique de l'organisation de la recherche et de sa structure encroûtée dans le passé.
Les Fanas de l'aviation
- il y a de superbes photos de superbes coucous
- en parlant d'aviation ça parle de tout.
Si je suis pas fan des comptes rendus laudateurs bourrés de chiffre sur les batailles, que ce soit comment certaines opérations contre les barrages allemands pendant la deuxième guerre mondiale, la production d'avions qui ont changé l'histoire (Me 109, spitfire, F4, mirage) on y apprend des vraies choses.
Le parti pris pro avion sans se soucier des drapeaux permet de se dépayser bien plus qu'avec le courrier international. L'analyse des processus industriels y est plus agréable à lire que dans l'usine nouvelle ou les échos, et l'histoire des grands programmes vous en apprend plus sur les institutions et leur fonctionnement que le monde. Et l'acceptation de l'innovation d'où qu'elle vienne (pilote d'essai, mécano, chercheur ou ingénieur) en apprend plus que la recherche sur l'innovation et la science.
Un biais fort sur les avions rend le journal plus intéressant à lire. Comme quoi l'objectivité n'est pas l'opposé de biais assumé.
C'est un MUST read.
Canard PC/Hardware Canard PC
Hardware canard PC: un autre vrai magazine scientifique ; contrairement aux facts checker du monde, quand il s'agit de vérifier les faits, ils n'hésitent pas à mettre les mains dans le cambouis. Oscilloscope, voltmètre, protocoles expérimentaux. Tout y passe.
Ce sont des vrais journalistes. Un MUST read.
Le virus informatique
Je les lis par nostalgie et je les aime bien.
De même que Canard PC leur ligne éditoriale est indépendante de leur régie publicitaire ce qui leur joue des tours au niveau financier. Mais, c'est le prix de l'indépendance.
Parfois anecdotique, les nouvelles sont variées et intéressantes. Elles changent des magazines informatiques qui se résument à du publi reportage. Elles sont plus pour les amateurs/hobbyistes que les pros. Mais je trouve plus de savoir faire dans ce domaine que dans le monde pro.
À soutenir au vu du rapport qualité prix.
GNU/linux mag
Depuis que linux mag est devenu GNU linux mag, c'est un peu devenu chiant.
Ça parle de logiciel libre, comme avant on parlait de CORBA, Windev, composante métier dans l'ancien temps.
Linux mag est devenu un journal institutionnel, qui évite la polémique intrinsèque qui opposent le monde de l'entreprise et celui de la programmation.
Vous n'y lirez nul rapport sur le burnout épidémique qui touchent en ce moment les développeurs anciens et nouveaux du libres pressurés comme des travailleurs bangladais dans une injonction tant à maintenir gratuitement leurs codes qu'à travailler en dépit du bon sens dans leurs propres entreprises qui exploitent leurs inventions pour les transformer en rente.
Bref, c'est devenu aussi chiant que 01 informatique ou décision micro, journaux qu'ils dénonçaient du début. Je crois que le parti pris de vouloir gommer les humains derrière les logiciels libres nuit. (L'adulation de star n'est pas parler de l'humain).
Le parisien
Parfois intéressant.
La presse quotidienne régionale
Presse de chiens écrasées, elle évite souvent les conflits avec les notables, donc vous entendrez parler de tout, et rarement de la vie de ses habitants.
Parfois un cuistot ou un serveur évoque anonymement l'enfer de l'hostellerie restauration et de ses abus. En page 12 coincé entre les procès retentissants, et pas loin d'une humoriste local défendant la cause animale.
NB : Mention spéciale à cette presse en générale et au Midi libre en particulier dont j'aime le français simple, facile à lire. C'est peut être pas hyper stimulant, mais quand je dois faire lire ma femme pour lui apprendre le français utile pour parler et écrire, ce sont mes journaux de choix.
Voilà ma liste des journaux que je lis parfois ou souvent en plus de ce qui traîne sur les tables : équipe, voici, gala, paris match, auto plus, la gazette de montpellier, l'écho du val d'oise, 20 minutes, métro ....
Entre nous, on devrait arrêter de subventionner la presse.
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