Le gadjo qui m'a appris à faire du vélo c'était un condé en chef.
Pour vous dire à quel point je le suis redevable, mon frangin quand il a vu que son minot savait pas faire du vélo sans roulette à 5 ans il a payé une coach à 100$/hr. Si j'ai pas la honte après ça qui me colle à la peau comme un étron mal démoulé au cul, contez moi comment je devrais me sentir?
Même si je me suis rattrapé par la suite, je suis un attardé mental du biclou, j'ai vraiment commencé à faire du vélo sans roulette à 9 ans.
À 10 ans en CM2 ma prof nous proposait de faire du vélo les mercredis. Hipster avant l'heure j'avais le vélo que mes 2 frères avaient eu avant moi: un hélium (peugeot évidemment) à vitesse unique et je me coltinais les cotes bien salées du Vexin: le Perchay, Épiais Rhus, Vigny, Nesles, Valmondois. Je les ai bouffé avec un fixie. Avec son mari; Jacky.
Cette histoire a évidemment aucun autre rapport avec le vélo que celui qui me trotte dans la tête.
Le Jacky m'a dit ma deuxième année où je continuais à faire du vélo (contre toute logique puisque j'étais passé chez les grands au collège) : on devrait tous avoir le droit à une deuxième vie.
Je pense pas qu'il parlait de sa femme, même si j'ai jamais eu un grand amour pour mes profs (sauf la toute sèche que j'ai eu en CP).
Il parlait de la vie pro.
15 - 18 ans à faire le même métier ça use, même si ce métier est votre passion. En fait surtout si c'est votre passion.
À un moment sans vouloir spoiler les plus jeunes, en 18 ans, t'as du mal à être surpris. T'as montée une cote qui était un sacré raidillon, tu es plutôt content, mais on te dit que tu fais de la merde. C'est pas que t'as fait de la merde, c'est juste le système. Pourquoi ? Je m'en contrefous. La seule chose que ton horizon pro te propose c'est de reparcourir les circuits que t'as déjà fait 100 fois. T'en as ras le cul. Surtout que tu vois d'autres routes et horizons et que t'as encore la patate dans les guibolles, et que tu as toujours le sang du gamin en toi qui coule dans tes veines. Mais on te dit que t'es trop vieux et que t'as plus le droit de rêver.
Merde, t'es pas mort, t'es encore en vie, et t'en as marre de toujours la même chose. Et putain, t'as le droit de rêver!
Alors, en fourbe sans prévenir personne tu prends les routes que l'on te dit interdites et tu vois qu'elles sont bonnes. Et tu te demandes; qu'est ce qui m'interdit de les prendre?
L'allégorie vélo t'as perdu?
Faisons une allégorie vélo dans l'allégorie vélo.
Aujourd'hui après des années à me faire chier dans le vexin à faire toujours les mêmes circuits j'ai fait un tour avec un poteau prof. Ça fait des années que j'avais pas fait le circuit Pontoise - Nesles. Et c'était cool. Voilà, fin de l'allégorie dans l'allégorie.
Mais c'est pas le point. Le gars (avec qui j'ai fait du vélo) me disait j'en ai ras le cul d'être prof, j'adore enseigner, c'est ma passion, mais c'est tout ce qui est autour qui me calice. Le système et son absurdité, mes collègues et leur attitudes.
J'aime ce que je fais, mais pas le cadre dans lequel je le fais. Et je l'ai regardé ; il avait les yeux de Jacky, et aussi de Michel et de Manu.
Michel, c'est un ancien collègue déménageur qui s'engraine facile avec tout le monde. Quand il est arrivé journalier il m'a parlé de faire ses heures, et de ses faire payer ses heures supp. J'ai pas osé lui dire qu'il rêvait debout, pour 7h journalières (on avait des contrats au jour) on en faisait entre 9 et 16 payé 80€ par jour (avec 10 sous la manche) sans certitude d'embaucher le lendemain.
Je suis pas un salaud; il avait les bras comme mes cuisses et le fusible court. Tu contredis pas les costauds qui sont instables quand ils rêvent. Le gars il avait passé ses 12 dernières années à faire le planton sans bouger pour rassurer le quidam dans les supermarchés et chantiers. Même pas le droit de prendre une pause pour aller chier ou boire au point que le jour ou pour 12€/hr on lui a imposé de rester en place 10 heures d'affilées il l'a fait par sens du devoir. Il a poussé la passion du métier jusqu'à en chier dans son benne pour son boulot. À toi le bourgeois reconnaissant te devrait une médaille mon poteau.
Le prix de ta sécu à toi le quidam qui aime l'état d'urgence qui dure depuis 20 ans c'est 10% de la population active payée à faire le planton et/ou contrôler les accès. Et c'est ni l’hôtesse d'accueil ni le costaud de service qui touche le salaire de ta peur : c'est leurs boss.
Parlons de mon vélo-poteau. C'est un bon prof, il refuse de transformer le sport en pugilat. Il aime le port comme moi : par pour la compète, mais parce que c'est le fun, alors il essaie d'expliquer aux gosses que tu fais du pas sport pour être le meilleur, mais parce que d'une part ça te plaît et que d'autre part c'est quand même le fun d'essayer d'être le meilleur, mais qu'il y a une chiée de perdants et que tu le seras très certainement. Donc, il faut essayer, mais pas en faire une montagne. Quand tu fais le kéké à vélo, t'as toujours un vieux tout sec pour te coller la honte au détour d'une route de campagne malgré ton pédigré de compéte. Mais, est-ce que ça nous empêche de reprendre nos fidèles destriers d'aciers sur les routes verdoyantes de nos belles campagnes? Nietsky, on a beau être des loosers, on fait aussi du vélo parce que c'est le fun. Bref, il se fait engueuler car il refuse de classer ses élèves du plus fort au plus faible, ce qu'il trouve con et moi itou.
Bref, c'est cool de s'investir, mais faut pas en faire une caisse. C'est comme nos taffes.
Surtout que quand t'es passionné les boss, les parents d'élèves, les usagers, les clients considèrent que faire tes heures et vivre ta vie après les heures de travail c'est interdit. Fais moi confiance toute fiche de poste évoquant tatati c'est ta passion c'est un marqueur comme quoi le patron il veut que tu bosses en extra pour gratis. Si t'es un cave t'auras l'avancement et la reconnaissance. Apparemment être passionné ça veut dire que la merde tu aimes la bouffer au p'tit déj à la pelle et que t'en veux encore plus.
Raah, il y a toujours l'idiot du village pour lever la main et dire: tu parles beaucoup des autres, mais c'est-y pas une manière de pas causer du tézigue?
Ben c'est que l'idiot c'est pas un crétin. Toutes les histoires des autres font échos en mon for à mon histoire peuchère.
Moi aussi je me bouffe ma crise de la quarantaine comme un bad trip sous diverses substances hallucinogènes. Et je me tâte à réclamer ma deuxième vie.
Au début, je pensais que l'herbe était plus verte ailleurs (et elle l'est), mais en fait c'est presque vrai sans l'être.
J'ai passé après la mort d'un pote 3 ans au Québec, je suis pas revenu uniquement à cause de trucs personnels, disons que l'herbe est plus verte, mais légèrement empoisonnée quand tu connais pas le coin. Ce que l'on peut résumer par la locution tu es toujours un peu l'arabe en france d'un autre quand t'es français à l'étranger, surtout quand t'es pauvre.
J'ai changé de pays et oui l'informatique en amérique du nord c'est un peu plus intéressant. Mais en fait, j'ai un problème avec le système: on fait des logiciels de plus en plus merdique, et ça me fait gerber. Pourtant, les entretiens ont jamais été aussi sélectifs. À croire que plus la sélection est forte, plus elle favorise les idiot(e)s. Je suis aussi peu sexiste que raciste : les femmes (et les divers) m'ont prouvé que la connerie était également répartie quelque soit les critères envisagés.
Je suis devenu déménageur parce que j'avais pas le choix (caillasse). J'ai arrêté de l'être par contrainte (pas d'apparte) et aujourd'hui je me pose une grande question: travailler à moins qu'au SMIC et m'amuser ou reprendre l'informatique?
En fait, mon coté aigri m'avait fait pensé que ce serait la même merde partout.
C'est vrai, mais c'est différent. J'ai kiffé que mon entretien d'embauche précaire renouvelé tous les jours consiste à être juste à l'heure.
J'ai aimé être débutant et être dans la même merde que les autres, et qu'on me dise c'est pas une compétition: on veut juste rentrer pas trop tard à la maison.
J'ai aimé progresser à nouveau, apprendre. J'ai aimé ne plus avoir à faire à des DRH et des directeurs techniques cons comme des burnes.
J'ai aimé que savoir si la ficelle ou le scotch (voir OOP vs programmation fonctionnelle ou impérative) soit moins importante que juste de faire le chantier correctement : vite et sans casser.
J'ai aimé mes collègues nouveaux bien plus que les anciens. Et je préfère la causettte à la pause ou avec le patron au dépôt de 30 secondes au interminables scrum.
À coté de ça à 10€/hr, vas-y louer un apparte quand les putains de proprios refusent de louer un apparte de 30 m² dans tes moyens parce que d'après eux c'est pas digne pour un couple. Putain, ma belle famille et leurs relations en Pologne ils savent à 6 dans un 36 m²! Laissez moi choisir comment je vis bande de cul terreux de gros putains de proprios. Avec mon salaire et ma capacité à accepter n'importe quel taffe je vous l'aurais payé vot' loyer à vous le couple de bobo qui ont eu comme seuls mérite d'avoir des parents riches pour devenir proprio et qui en profitent pour me coller leurs snobismes/racismes dans la gueule.
Donc voilà le prix à payer pour une deuxième vie: les préjugés des autres.
Mais bon, j'ai beau me tâter, j'ai mon coté haute société protestante éduquée qui me roucoule dans l'oreille: vis tu pour toi même ou pour faire plaisir à des gens que tu aimes probablement pas?
Bah, si je peux pas grailler et crécher, ça me fait chier, mais oui je vis vivre pour plaire à des gens que j'aime pas avec un goût de bile au fond de la gorge quand je dirais que je suis libre.
Et je me dis que je trouve étonnant qu'il y ait si peu de grogne et de gens qui posent des bombes contre une société aussi merdique et pour conclure je vais vous raconter une anecdote du papa de mon vélo-poteau.
Mon ami a trouvé les carnets de guerre de son daron qui pendant la 2é guerre a fait son service dans l'armée française et s'est battu à l'Isle Adam.
Pour faire vite : ils ont été capturé par les frisés qui leur ont dit de se rendre par eux même à leur prison à Argentueil (genre les mecs ils connaissaient le coin).
Et bien croyez le ou non, ils l'ont fait. Aucun n'a eu l'idée de rentrer chez lui ou de s'évader. Ils avaient été éduqué comme ça, à obéir.
Et, j'ai bien peur que nous sommes pareils. Et, je sais pas si je suis différent de ces gars.
Obsolescence programmée: bug siège guidon
Je viens d'achever une quête de 6 mois et 70 km depuis mon retour en France: trouver les pièces qui me manquent pour réparer un vélo qui a un quart de siècle. Bref, je lutte contre l'obsolescence du haut de ma Rossinante mécanique.
Ces vélos Peugeot, made in France (dans le texte) ce sont vu arrêtés de fabrication à cause de la production bas de gamme made in China de la grande distribution (Auchan, Carrefour, Go Sport, Decathlon).
Mon Izoard dispose toujours de son infatiguable groupe RX100 de Shimano, par contre l'autre ayant fortuitement rencontré des gitans a vu ses étriers de freins remplacés par des étriers de freins bas de gammes.
Pourquoi je roule en cadre acier qui a dépassé sa date prévue d'usure pour le cadre ? (les aciers n'ont jamais été prévus pour rouler aussi longtemps; leur qualité physique se dégradant leur optimum de confort est prévu pour 12 ans).
Parce que je peux les acheter à pas cher et les réparer car tout le vélo a été pensé pour. Je fuis comme la peste les composantes dures à changer/réparer/régler et les cadres non pensés pour une réparation facile ou qui participent par leur mauvaise conception à dégrader le vélo comme les freins à tirages centraux (V-brakes) qui en plus d'être casse burne à régler exercent une pression excessive sur les jantes entraînant leurs déformations.
Pourquoi je vous raconte tout ça? Parce que je viens de comprendre le problème.
J'ai fait 60km en vélo parce que je ne trouvais pas mes étriers de freins sur internet (de manière satisfaisante) et j'ai du me bouffer Pontoise à Paris (en vélo évidemment). En passant par l'un des raidillons les plus costauds de la banlieue (le fort de Cormeilles). Bref, une VRAIE quête.
Je ne trouve pas mes freins à la longévité extrême quand ils ne sont pas volés, parce que personne d'autres les achète. Et heureusement que Paris est rempli de coursiers car cela assure marginalement la survie de certains ateliers.
Et donc, je me suis retrouvé dans un magasin de vélo qui du fait de son placement dans Paris avait les murs qui suintaient de l'intelligence de ses acheteurs en plein milieu d'un quartier intellectuel.
J'ai passé une heure à attendre. En une heure, le commerçant a fait 12€ de bénéfices avec 10 clients et 1 employé à charge payé le SMIC horaire (soit 24€/hr).
Je lui ai rapporté 3€ avec ceci:
50% des clients venaient pour acheter. Tige de selle, et freins et autres pièces simples. 10 minutes étaient nécessaires pour savoir quelles pièces étant donné le flou des connaissances des clients sur leurs vélos.
50% des clients n'en étaient pas. Incapables de visser un écrou, de gonfler ou changer un pneu les clients faisaient juste perdre du temps au vendeur. En espérant une réparation gratuite qui si elle ne l'était vaudrait une remarque désagréable sur google synonyme de baisse de la clientèle.
Sur les clients qui achetaient, l'un reprenait son vélo de ville furieux que la réparation n'aient pas coûté 20€ mais 50€ car ses roues étaient voilées.
Non qu'elle fût musulmanes et marchaient de traviole du fait de la burqua sur leurs yeux, je le précise, mais bien parce que les rayons du fait de passage répétés sur des trottoirs en mode barbare les plient, et que rouler sur une roue voilée ne résulte que dans son voilage encore plus intégral comme un léger voile qui finit par devenir un niqab.
Le dévoilage de roue est au vélo ce que le décrottage de sabot est à l'équitation ; une activité qu'il faut faire régulièrement soit même pour assurer le bon entretien de son destrier. Geste simple si il n'est pas fait régulièrement, il s'aggrave entraînant la transformation d'une perte de 5 min de temps en temps à l'achat de la roue entière avec le coût de main d’œuvre.
Le passage des trottoirs nécessite un petit geste technique qui consiste à ralentir, faire sauter la roue avant sur le trottoir et l'enjamber avec gentillesse. On peut sans défourcher franchir jusqu'à 10 cm de dénivelé.
Je m'égare hagard et n'arrête guère de dégoiser.
Voilà, ça fait 33 ans que je roule en vélo. J'ai appris à les réparer un peu en regardant Mr Laurent (le vieux réparateur de quartier quand j'étais gosse) faire, et aussi en essayant moi même beaucoup. J'ai suis certes maître es science, mais mes cours de mécanique du point ne m'ont pas appris à devenir un pro du tournevis ou de la clé anglaise.
Les vélos de l'époque pré-obsolescence (aka pré-grande distribution) étaient simples.
Quand Auchan vendait ses vélos à 100Frs là où un peugeot valait 2000Frcs personne ne comprenait pourquoi même sans argent je refusais de les acheter: les filtages ne tenaient qu'une fois. Une visse dévissée était irréversiblement non revissable. Comme un meuble ikéa dont les mêmes clients sont si friands. Et c'est ainsi que les Peugeots sont morts; non de par une volonté délibérée de faire des vélos obsolètes, mais par le refus des clients d'acheter des vélos réparables. Pourquoi? Parce que ils pensaient que la réparation c'étaient pas leur problèmes, ils avaient les réparateurs comme Mr Laurent. Pourtant ses mêmes acheteurs aiment en «meeting» avec leur «managers» évoquer ce que les comptables appellent le coût total d'un produit, celui qui inclut l'achat ainsi que les coûts liés à sa maintenance sur sa durée d'utilisation prévisible.
Mr Laurent a du faire face à une montée de vélo plus dur à réparer avec des clients irascibles refusant de payer le surcoût en temps dû à la qualité de erratique de leurs vélos.
Mr Laurent a fermé. Personne ne voulait acheter ses vélos trop chers et tout le monde finissait par préférer décathlon blindés de réparateurs au SMIC qui préféraient remplacer des pièces entières que de perdre du temps sur leurs vélos de merde.
Localement l'atelier réparation était en perte, mais globalement pour le magasin ça assurait l'image de marque de vélos fiables de réparateur aimables et compréhensifs et ça donnait confiance. Le premier actif d'une entreprise, c'est l'image que les gens s'en font. Decathlon faisait de la concurrence déloyale, mais un crime sans victime parce que les victimes sont heureuses de cette situation n'est pas un crime.
25 ans plus tard qu'est-ce qui a changé?
C'est la mode des fixies, tout le monde a et veut faire du vélo.
S'asseoir a une terrasse avec des néos athlètes urbains me fait sentir comme un étron au milieu de la moquette : que sais je de la chasse de mon guidon, de la supériorité du frein à disque sur le tirage central, du roulement fixe sur le libre, de l'impact sur l'inertie de 15g de pneus en plus? De la supériorité du carbone sur les cadres manganèse ou titane.
Rien. Je roule toujours avec les mêmes vélos car j'ai convergé par plaisir et fainéantise vers des modèles de course pré 2000 dont j'aime la conception, l'assise, la maniabilité, la robustesse.
Rien, j'y connais certes rien, mais je sais que je veux des Shimano à doubles pivots brevetés et non des pivots simples parce que sinon au fur et à mesure du temps ils se décentrent et frottent contre la jante. Mon savoir se limite à mon expérience. Je ne parle pas des vélos comme un livre.
La seule chose que je sais c'est que plus aucun réparateur ne sait mettre de fond de jante: c'est 90% de l'origine de mes 10 dernières crevaison. Un geste que j'ai vu Mr Laurent faire : c'est simple mais ça demande du soin et de la patience ainsi que des bandes taillées droites. Et le temps ... c'est de l'argent.
Je sais aussi que ces réparateurs à la petite semaine ne dureraient pas longtemps si et seulement si les clients au lieu de faire savoir qu'ils n'y connaissent rien se retroussaient leurs manches pour apprendre à faire avec leurs doigts tout fins d'intellos des tâches aussi simples que gonfler leurs pneus, changer la guidoline, gaines et cables, chaines... Si ils le faisaient, ils comprendraient que le temps c'est de l'argent, et qu'autant par leurs choix de vélos chers et ineptes que par le temps non rémunérés qu'ils font perdre à des artisans sous payés du fait de leurs choix ils condamnent les réparateurs à crever la gueule ouverte sous leurs flots de récriminations injustes quand aux coûts des choses.
Notre éducation survalorise la mauvaise éducation, le mépris du savoir faire des métiers manuels aux profits du faire savoir des ingénieurs et commerciaux. Par exemple, si je voulais m'installer professionnellement, non seulement je devrais passer un examen validant que je connais non les gestes, mais les mots du métier, mais en plus il me faudrait acheter des murs, et payer pour m'enregistrer avec le bon code APE. Choses qu'étant fauché comme les blés du Vexin en ce moment je ne peux faire. Pourtant, je peux réparer mon vélo.
L'obsolescence est certes programmée, mais non par la production, mais par les choix des consommateurs qui entraînent que ma lutte contre l'obsolescence me pousse à faire 60km pour trouver des pièces à 20€.
Il n'y a pas de mal à ne pas savoir faire, mais confondre ses connaissances avec son savoir faire et imposer du fait du statut conféré à des artisans et producteurs des prix déraisonnables entraînent un marché où le plus filou gagne. L'obsolescence «programmée» n'est pas due uniquement aux vendeurs, mais essentiellement aux acheteurs dont la myopie intellectuelle derrière les lunettes roses de niveaux de diplômes élevés entraîne une mésestimation des coûts. Et l'argent c'est le nerf de la guerre contre les mauvais acteurs.
Mes 2 vénérables destriers pré obsolescence |
Mon Izoard dispose toujours de son infatiguable groupe RX100 de Shimano, par contre l'autre ayant fortuitement rencontré des gitans a vu ses étriers de freins remplacés par des étriers de freins bas de gammes.
Pourquoi je roule en cadre acier qui a dépassé sa date prévue d'usure pour le cadre ? (les aciers n'ont jamais été prévus pour rouler aussi longtemps; leur qualité physique se dégradant leur optimum de confort est prévu pour 12 ans).
Parce que je peux les acheter à pas cher et les réparer car tout le vélo a été pensé pour. Je fuis comme la peste les composantes dures à changer/réparer/régler et les cadres non pensés pour une réparation facile ou qui participent par leur mauvaise conception à dégrader le vélo comme les freins à tirages centraux (V-brakes) qui en plus d'être casse burne à régler exercent une pression excessive sur les jantes entraînant leurs déformations.
Pourquoi je vous raconte tout ça? Parce que je viens de comprendre le problème.
J'ai fait 60km en vélo parce que je ne trouvais pas mes étriers de freins sur internet (de manière satisfaisante) et j'ai du me bouffer Pontoise à Paris (en vélo évidemment). En passant par l'un des raidillons les plus costauds de la banlieue (le fort de Cormeilles). Bref, une VRAIE quête.
Vue depuis la Frette Montigny |
Je ne trouve pas mes freins à la longévité extrême quand ils ne sont pas volés, parce que personne d'autres les achète. Et heureusement que Paris est rempli de coursiers car cela assure marginalement la survie de certains ateliers.
Et donc, je me suis retrouvé dans un magasin de vélo qui du fait de son placement dans Paris avait les murs qui suintaient de l'intelligence de ses acheteurs en plein milieu d'un quartier intellectuel.
J'ai passé une heure à attendre. En une heure, le commerçant a fait 12€ de bénéfices avec 10 clients et 1 employé à charge payé le SMIC horaire (soit 24€/hr).
Je lui ai rapporté 3€ avec ceci:
My precious |
50% des clients venaient pour acheter. Tige de selle, et freins et autres pièces simples. 10 minutes étaient nécessaires pour savoir quelles pièces étant donné le flou des connaissances des clients sur leurs vélos.
50% des clients n'en étaient pas. Incapables de visser un écrou, de gonfler ou changer un pneu les clients faisaient juste perdre du temps au vendeur. En espérant une réparation gratuite qui si elle ne l'était vaudrait une remarque désagréable sur google synonyme de baisse de la clientèle.
Sur les clients qui achetaient, l'un reprenait son vélo de ville furieux que la réparation n'aient pas coûté 20€ mais 50€ car ses roues étaient voilées.
Non qu'elle fût musulmanes et marchaient de traviole du fait de la burqua sur leurs yeux, je le précise, mais bien parce que les rayons du fait de passage répétés sur des trottoirs en mode barbare les plient, et que rouler sur une roue voilée ne résulte que dans son voilage encore plus intégral comme un léger voile qui finit par devenir un niqab.
Le dévoilage de roue est au vélo ce que le décrottage de sabot est à l'équitation ; une activité qu'il faut faire régulièrement soit même pour assurer le bon entretien de son destrier. Geste simple si il n'est pas fait régulièrement, il s'aggrave entraînant la transformation d'une perte de 5 min de temps en temps à l'achat de la roue entière avec le coût de main d’œuvre.
Le passage des trottoirs nécessite un petit geste technique qui consiste à ralentir, faire sauter la roue avant sur le trottoir et l'enjamber avec gentillesse. On peut sans défourcher franchir jusqu'à 10 cm de dénivelé.
Je m'égare hagard et n'arrête guère de dégoiser.
Voilà, ça fait 33 ans que je roule en vélo. J'ai appris à les réparer un peu en regardant Mr Laurent (le vieux réparateur de quartier quand j'étais gosse) faire, et aussi en essayant moi même beaucoup. J'ai suis certes maître es science, mais mes cours de mécanique du point ne m'ont pas appris à devenir un pro du tournevis ou de la clé anglaise.
Les vélos de l'époque pré-obsolescence (aka pré-grande distribution) étaient simples.
Quand Auchan vendait ses vélos à 100Frs là où un peugeot valait 2000Frcs personne ne comprenait pourquoi même sans argent je refusais de les acheter: les filtages ne tenaient qu'une fois. Une visse dévissée était irréversiblement non revissable. Comme un meuble ikéa dont les mêmes clients sont si friands. Et c'est ainsi que les Peugeots sont morts; non de par une volonté délibérée de faire des vélos obsolètes, mais par le refus des clients d'acheter des vélos réparables. Pourquoi? Parce que ils pensaient que la réparation c'étaient pas leur problèmes, ils avaient les réparateurs comme Mr Laurent. Pourtant ses mêmes acheteurs aiment en «meeting» avec leur «managers» évoquer ce que les comptables appellent le coût total d'un produit, celui qui inclut l'achat ainsi que les coûts liés à sa maintenance sur sa durée d'utilisation prévisible.
Mr Laurent a du faire face à une montée de vélo plus dur à réparer avec des clients irascibles refusant de payer le surcoût en temps dû à la qualité de erratique de leurs vélos.
Mr Laurent a fermé. Personne ne voulait acheter ses vélos trop chers et tout le monde finissait par préférer décathlon blindés de réparateurs au SMIC qui préféraient remplacer des pièces entières que de perdre du temps sur leurs vélos de merde.
Localement l'atelier réparation était en perte, mais globalement pour le magasin ça assurait l'image de marque de vélos fiables de réparateur aimables et compréhensifs et ça donnait confiance. Le premier actif d'une entreprise, c'est l'image que les gens s'en font. Decathlon faisait de la concurrence déloyale, mais un crime sans victime parce que les victimes sont heureuses de cette situation n'est pas un crime.
25 ans plus tard qu'est-ce qui a changé?
C'est la mode des fixies, tout le monde a et veut faire du vélo.
S'asseoir a une terrasse avec des néos athlètes urbains me fait sentir comme un étron au milieu de la moquette : que sais je de la chasse de mon guidon, de la supériorité du frein à disque sur le tirage central, du roulement fixe sur le libre, de l'impact sur l'inertie de 15g de pneus en plus? De la supériorité du carbone sur les cadres manganèse ou titane.
Rien. Je roule toujours avec les mêmes vélos car j'ai convergé par plaisir et fainéantise vers des modèles de course pré 2000 dont j'aime la conception, l'assise, la maniabilité, la robustesse.
Rien, j'y connais certes rien, mais je sais que je veux des Shimano à doubles pivots brevetés et non des pivots simples parce que sinon au fur et à mesure du temps ils se décentrent et frottent contre la jante. Mon savoir se limite à mon expérience. Je ne parle pas des vélos comme un livre.
La seule chose que je sais c'est que plus aucun réparateur ne sait mettre de fond de jante: c'est 90% de l'origine de mes 10 dernières crevaison. Un geste que j'ai vu Mr Laurent faire : c'est simple mais ça demande du soin et de la patience ainsi que des bandes taillées droites. Et le temps ... c'est de l'argent.
Je sais aussi que ces réparateurs à la petite semaine ne dureraient pas longtemps si et seulement si les clients au lieu de faire savoir qu'ils n'y connaissent rien se retroussaient leurs manches pour apprendre à faire avec leurs doigts tout fins d'intellos des tâches aussi simples que gonfler leurs pneus, changer la guidoline, gaines et cables, chaines... Si ils le faisaient, ils comprendraient que le temps c'est de l'argent, et qu'autant par leurs choix de vélos chers et ineptes que par le temps non rémunérés qu'ils font perdre à des artisans sous payés du fait de leurs choix ils condamnent les réparateurs à crever la gueule ouverte sous leurs flots de récriminations injustes quand aux coûts des choses.
Notre éducation survalorise la mauvaise éducation, le mépris du savoir faire des métiers manuels aux profits du faire savoir des ingénieurs et commerciaux. Par exemple, si je voulais m'installer professionnellement, non seulement je devrais passer un examen validant que je connais non les gestes, mais les mots du métier, mais en plus il me faudrait acheter des murs, et payer pour m'enregistrer avec le bon code APE. Choses qu'étant fauché comme les blés du Vexin en ce moment je ne peux faire. Pourtant, je peux réparer mon vélo.
L'obsolescence est certes programmée, mais non par la production, mais par les choix des consommateurs qui entraînent que ma lutte contre l'obsolescence me pousse à faire 60km pour trouver des pièces à 20€.
Il n'y a pas de mal à ne pas savoir faire, mais confondre ses connaissances avec son savoir faire et imposer du fait du statut conféré à des artisans et producteurs des prix déraisonnables entraînent un marché où le plus filou gagne. L'obsolescence «programmée» n'est pas due uniquement aux vendeurs, mais essentiellement aux acheteurs dont la myopie intellectuelle derrière les lunettes roses de niveaux de diplômes élevés entraîne une mésestimation des coûts. Et l'argent c'est le nerf de la guerre contre les mauvais acteurs.
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