Wikipedia la révolution intellectuelle pareille à la presse de Gutenberg

Parler de la Révolution qu'est la presse sans le remettre dans le contexte de la guerre des Religions, c'est comme parler de la bombe atomique en oubliant le contexte de la 2é guerre mondiale : un péché.

Une des batailles qui a opposé les catholiques et les protestants étaient la nécessite d'un clergé pour « bien interpréter » le livre, qui pour rester le plus fidèle à ses origines devaient rester dans sa langue sacrée incomprise de la plupart.

Les protestants ont dit non, ils ont traduits la bible en langages communs, et les ont imprimer, répendant l'idée qu'il était de bon aloi de la lire et d'en discuter en lieu et place de faire confiance à une hiérarchie qui capture l'autorité.

La bible était une arme contre les fondements de l'Église catholique romaine : l'exclusivité d'interprétation du livre Saint.

Et donc, une lutte directe contre la légitimité de son Autorité pourtant dûe à entretenir des Universités où les savoirs théologiques sont distribués au compte goutte.

Remettre en cause une autorité de savoir, c'est remettre aussi en cause la hiérarchie de sa fabrique (l'enseignement, les universités).

En langage moderne, on dirait que le protestantisme a défait le monopole de fait sur un savoir protégé en le colllectivisant.

De Luther à Müntzer ; encore plus de radicalité



La presse, la bible le contenu toujours le plus imprimé depuis qu'on imprime a atteint partiellement son office pour lutter contre le cléricalisme qui est engrainé dans nos impensés culturels : tout le monde peut la lire. Mais qu'a t'il manqué au plan des protestants en 1500 pour correctement éradiquer le cléricalisme ?

Je tiens les protestants pour anti-cléricaux en ceci qu'en 1525 ils ont justement fait cramer des Églises, et j'y vois un signe de mécontentement contre le clergé.

Le clergé non seulement en tant que lieu et symbôles, mais aussi en tant que fonction légitime d'expert de l'interprétation du livre.

Si Luther dégoupille bien la première grenade anti clérical, quand les protestants un peu pauvre ont dit : si ça s'applique à ce qu'on a de plus sacré, alors ça s'applique à tout. Ça a commencé à foutre le sbeul.

Remettre en cause l'existence du Clergé de la religion la plus sacrée, c'est remettre en cause tout ordre qui s'appuie dessus.

Alors, on a demandé à Luther de calmer le jeu. Comme un bon bourge qu'il était il a viré sa cuti sur la critique radicale de l'Autorité et éxigé des protestants qu'ils « acceptend l'Ordre établi ».

Les populos bien pressés comme des citrons, par les taxes et les inégalités de richesses étaient pas trop chauds.

Surtout, qu'y avait un minot qui venait de leur milieu qui reprenait Luther en le poussant plus loin, tout en traitant Luther de vendu à la cause des bourgeois.

Müntzer a proposé d'aller encore plus loin dans la création d'une religion sans clergé ni Églises.

Il dit grosso merdo, que la religion n'existe pas sans la rationalité. Que l'Illumination est un processus rationnel qui mérite d'être partagé.

Il suggère même tabou le plus sacré : de ré-écrire LE livre.

Müntzer fait passer la religion de read only pour son religionaire à read, write, execute.

Le livre dont vous êtes le héro, qui s'adresse à une communauté dont la taille est suffisamment petite pour que les gens puissent discuter facilement d'égaux à égaux. Un ordnung.

Attaquer la seule autorité sacrée que notre culture reconnaît, c'est s'attaquer à la légitimité de tout œuvre de captation de l'exclusuvité d'interprétation.

La réforme radicale mine la crédibilité de toute expertise pour le moins sacrée.

Mais il me semble que ça va plus loin.

De Müntzer à wikipedia



Entre nous, j'ai une petite préférence pour wikitionary que j'utilise plus souvent étant dyslexique.

Et d'ailleurs ça tombe bien, un autre domaine qui attire les réacs comme la Religion, comme le miel les abeilles : c'est le langage.

La grande question que pose wikipedia à nos contemporains est peut-on objectivement comparer la fiabilité d'un contenu élaboré par un collectif dont a priori on a aucune garantie d'expertise pour élaborer des contenus d'expertise avec celui d'un expert ?

Je crois que suffisamment de nos experts contemporains se sont pris des branlées à vouloir contredir avec insuccès et ridicule wikipedia pour dire que de nos jours wikipedia est reconnu comme « une source d'expertise ». Nonobstant le fait que ce soit élaboré d'une manière qui rend impossible le règne de l'expert patenté. Pour moi, wikipedia a fait comme Müntzer ouvert dans l'accès aux expertises les portes au tout venant. Chaque fois qu'un article dit juste, c'est une claque dans la gueule de la notion d'experts qui peut se mettre au dessus de la mêlée et refuser la discussion d'égaux à égaux.

De wikipedia au logiciel libre





Je ne vous collerais pas la madeleine de Proust qu'est le mail de Torvalds vs l'expert Tannenbaum, mais ça reste une des valeurs du libre.

Nous ne faisons par de la conservation de logiciel dans le respect d'une religion conservatrice avec ses dogmes : nous écrivons, modifions, éxecutons les logiciels. Et chacun dans nos coins apportons nos évolutions basés à un moment sur des bougres qui discutent pour établir des normes. Genre ... POSIX ou internet.

L'une des révolutions du logiciel libre aura quand même été de prouver la supériorité des normes ouvertes comme celles d'IETF (internet) sans cooptations, ni oblligation d'adhésion qui coûte une blinde comparé aux merdes d'IEEE.

Nous avons créé dans l'espace laïque de nos métiers en appliquant un principe de la réforme radicale quant à l'approche de la repossession de l'autorité à interpréter, modifier user comme un bien collectif de nos écrits bâti un artefact qui bon an mal an est la pile qui tient internet.

Nous avons participé à bâtir une cathédrale, faîtes de codes, de normes, de bonnes pratiques où tout le monde est bienvenu de manière radicalement non discriminatoire bienvenu à l'élaboration de l'expertise.

Le logiciel libre fait plus qu'offrir des logiciels gratuits, il est aussi la propagande par le fait que l'en se passant des « experts », on peut raisonnablement atteindre une expertise partagée qui fait le job.

Ces experts ne sont que les équivalents laïques du clergé qui éxigent d'être écouté au nom d'une Autorité supérieure souvent obtenu d'un diplôme à l'accès foncièrement socialement inégalitaire.

Le logiciel libre prouve que l'expertise est un mal, mais qu'il n'existe aucune nécessité de vivre sous l'empire du mal, car on vit très bien sans.

Du logiciel libre à Müntzer



Mon grand père -tailleur de pierre- bouffeur de curé, et le premier à fêter une Église qui crame tout en montrant ému ses photos de restauration de bâtiments religieux ... aurait eu son mot à dire sur la récupération qui nous attend (si elle n'est pas déjà en cours).

Il disait que les Églises ont arrêté d'être construite après que l'on ait remplacé le mode coopératif des compagnons par celui hiérarchique calqué avec les architectes (formé par l'Église) imposé par l'Église.

Le mode de production en entreprise de logiciel est rarement celui du logiciel libre, on ne développe pas ce qui nous ressemble remplir un besoin, mais ce que la hiérarchie à l'expertise auto décrétée décide que l'on ponde.

Si le logiciel libre a été adopté par les entreprises, c'est comme on consomme du logiciel gratuit, une brique gratuite dans un édifice complexe.

Pas comme un outil culturel de changement du rapport à l'expertise.

Prenez voir comment vous vous faîtes bien enfler en entreprise avec le dansage de claquette qu'est le SCRUM/AGILE :
  • pendant que vous vous noyez dans l'auto-micromanagement de vos tâches en mode gamification
  • tous les leviers de décision sur l'architecture vous sont retirés des mains
Vous comprenez un problème d'archi ça tient pas dans les 10 minutes du scrum meeting matinal, et on en reparlera plus tard.

Il y a un conflit culturel entre le logiciel libre et sa fabrique et son utilisation en entreprise.

Êtes vous pour la réforme radicale ?



Évidemment que c'est une question provocatrice sans liens avec le fait de franchir la porte Étroite du temple.

C'est plus large : croyez vous aussi dans l'inutilité des clergés ? Fussent-ils laïques.

Ne soyons pas aveugle, le geste politique impardonnable du logiciel libre est la non discrimination radicale dans la fabrique de l'expertise.

Ça rentre directement en conflit avec une entreprise hiérarchique népotique comme notre économie réelle (et non fantasmée) en a le secret.

Ce débat sur l'approche que l'on a le droit d'ouvrir nos gueules et tous de participer à l'élaboration de savoirs commun sans « gatekeeping » EST politique.

C'est une attaque directe contre l'Autorité intellectuelle qui sous tend notre construction sociale, et qui fait que ce sont les incompétents de l'académie française qui ont charge de construire la langue.

Divulgâchage ; quand j'ai besoin de traduire en français des termes techniques, c'est pas l'académie française ma référence, mais l'office québécois de la langue française à laquelle tout le monde peut participer.

Là encore, on a fait le pari de la non discrimination radicale pour établir une expertise et ça marche.

De même que wikipedia rend le livre cliquable pour le modifier nous faisant passer du paper space où une élite seule pouvait publier à l'internet, le logiciel libre fai(sai)t sortir l'expertise technique de sa tour d'ivoire.

Il va falloir admettre que nous avons le nez dans le Ruisseau : on nous a toujours appris que seule une élite devait détenir le savoir, et l'on démontre que c'est du bullshit en produisant sans obligations de diplômes.

Pourtant quelle prof n'a pas tourmentée un élève mauvais en math en lui disant qu'il serait jamais informaticien, et le mec est devenu un très bon informaticien qui en rigole (pas moi) ?

Comment ?

Par le secret du hasard du Beruf de la vocation laborieuse qui commence avec une communauté qui enseigne le minimum pour lire et s'exprimer à l'écrit, se connecter, du temps un ordi et beaucoup de sueur.

Ce n'est pas une méritocratie pure en ce sens que l'accès à un ordinateur il y a longtemps était un léger privilège.

Mais ça reste un effort individuel non méprisable.

Nous, développeur du libre, avons tendance à ne pas voir le formel qui s'ignore dans notre culture.

Nous avons été formé à un monde de hiérarchie des savoirs et avons construits un cocons de savoirs collectivisés sans douleurs, prouvant que c'était possible et souhaitable.

Nous sommes que nous le voulions ou non porteur d'une pensée de réforme radicale dans nos valeurs consistant à ouvrir les portes de l'expertise à tous sans discriminations (trop évidentes).

J'dirais bien que si quand même et qu'une barrière culturelle de parler un anglais d'Oxford pour se faire entendre est devenue un pré-requis de fait qui gratte.

Alors, je dirais bien que toute réussite présente est déjà bonne à prendre, car ne serait-ce qu'un chouilla de discrimination sur des facteurs culturels, et on est bien parti que le logiciel libre perde son millions d'yeux prêt à le scruter et interagir qui fait sa force.

En résumé



Élaborer les savoirs d'expertise tels wikipedia ou le logiciel libre en se passant des experts est une influence directe de la pensée de la réforme radicale.

Et on a franchi un niveau dans la libération des savoirs ; la dernière révolution était la création de copie en masse, la nouvelle consiste à gérer la création d'originaux pertinents en masse.

On passe du lire uniquement qui libère les masses par l'accès aux savoirs, à leur élaboration directe en faisant le pari de l'intelligence de la masse.

D'une manière qui se rapproche du plus radicalement non discriminatoire que notre époque et nos biais permet.

Et j'en veux pour preuve que le débat sur master/main comme branche par défaut des dépôts git a eu lieu et a été tranchée vers main par défaut.

Mais, je crois fondamentalement qu'on ne réalise pas à quel point notre approche non hiérarchique des savoirs est révolutionnaire car elle fait ses preuves.

Nous sommes tellement habitué au bordel de nos flamewars incessantes (systemd, wayland, RiiR ...) qu'on le prend pour le silence assourdissant des cathédrales de savoirs.

Et pourtant c'est ce qui fait que notre communauté évolue et se réforme en dialoguant (parfois dans le troll).

Ce que sont le logiciel libre, wikipedia à l'imprimerie moderne c'est l'apport de l'écriture à N mains coopérative. Le dogme de la compétition d'accès aux savoirs attaqué de plein fouet, l'existence même de l'Autorité la preuve que l'on peut gérer l'accès aux savoirs autrement que par une forme pyramidale sélective : tout le monde se vaut

Croyez moi, le logiciel libre, wikipedia sont des actes révolutionnaires qui font bien chier les réacs, non parce que c'est utopique, mais parce que ça marche.

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