Les préjugés : Marc, moi et ses poils de nez

À partir du moment où l'on juge celui qui a des préjugés, c'est que l'on a peut être su se débarasser des mêmes préjugés dans le passé, et que même si on compatit que c'est douloureux comme s'arracher les poils du nez, on juge que c'est mieux de garder le nez propre. Et tout ça c'est de la faute de Marc. Mon voisin.

-- Moi
Excusez moi, mais avant de revenir au propos qui est celui des préjugés, laissez moi vous parler de Marc. Mon voisin.

Ben, je l'aimais bien avec son accent rugueux, de fils de paysans de la Sologne, qui avait été en tant qu'ingénieur P&T à la pointe de la numérisation du réseau télécom français.

Le mec, à la fois le bon sens paysans, mais aussi capable de surmonter une mentalité supposée pétrie de préjugés réacs et capable d'être les mains dans le cambouis de la modernité.

Et rappelons qu'à l'époque (je consulte mes stats INSEE) comme maintenant (lol), devenir ingénieur diplômé en étant fils de paysans n'était pas mince affaire.

Voilà, quelqu'un de tout à fait crédible en acceptation de la modernité et de battre des préjugés de l'ancien temps.

Un peu un héros pour moi, quoi. Donc voilà, Marc. Et il avait des poils de nez : ça comme. Touffus.
C'est un détail qui m'a marqué.

Autre détail qui me tarabustait était de savoir si le sens commun de petit paysan était le même dans son imaginaire que dans celui d'un habitant du Vexin comme moi ?

Il était une fois moi au Québec en train de faire la leçon à un québécois



Il y a un moment dans la vie où tu sens le poids de la culpabilité comme un poil de nez sur lequel on tire, et par un contrôle minutieux des muscles de ton nez, tu peux choisir de laisser le poil partir. Et c'est mon histoire.

Je me souviens, alors que moi pied tendre, j'embrassais la cause des autochtones (algonquais, montagnais ...) avec lesquels squidjies de l'avenue St Laurent j'échangeais des clopes contre des bribes d'Histoire orale, un québécois m'a slappé dans la face avec un « Estie de maudit français, tu chiales tu pas pareil de tes voleurs de poules de tziganes ?.

Tu le sens le poil qu'on tire ?

Retour en arrière : et les voleurs de poules



J'ai grandi en ville, où nuls tziganes ne s'installaient sauf ceux en voie de sédentarisation post 1970.

Autrement dit, je connaissais rien d'eux.

Mais j'avais Marc, le fils de paysan qui m'apportait son bon sens paysans qui était un peu le ciment de ses histoires de Pépé le Castor à lui.

Et lui, à chaque fois qu'il disait le mot tzigane quasiment, il jetait un ces voleurs de poules. À ce moment précis, j'ai senti non seulement, le poil sur lequel on tirait mais aussi sa racine mémorielle.

Brûler ses icônes ?



Si je laissais ce poil partir, devais-je enterrer aussi sous la suspicion de préjugés de réacs, moults de ses opinions qui étaient si fun ?

Faut-il séparer l'homme de l'Artiste ?

Je vous ai parlé des poils de son nez ?

Je sais ce qu'il foutent dans mes souvenirs, mais en souhaitant très fort garder le nez propre à Marc, je n'ai pas d'autres choix, en même temps que je laisse partir des mémoires de lui qui me paraissaient « fun », laisser partir mes préjugés.

Conclusion



Mais, je comprends Marc, c'est douloureux de se débarasser de ses préjugés : il faut déjà avoir conscience qu'ils sont là, et qu'une tierce personne tire dessus de manière déplaisante.

Et bien Marc, m'a réponse a été de dire : Merde, exactement..

Mais ouais, parfois t'as tort parce que tu t'es mis seul comme un con dans une position de transmettre des préjugés acquis par la sagesse populaire, et que ça nuit grave à ta crédibilité à réclamer une non discrimination radicale.

J'ignore depuis la sagesse populaire enfouie dans mes souvenirs de Marc comme la peste quand je tente de m'appuyer sur un préjugé solide.

Par contre, quand il s'agit d'équation des télégraphes et ses implications dans l'opération des réseaux à haute fréquences, alors là, je l'écoute toujours, et ses mémoires de « préjugés d'ingénieurs » sont poésies.
Bref, j'ai le nez propre de nos jours. C'est un jugement discriminatoire que j'ai sur la propreté nasale et le droit à discriminer.

Je m'arrache les poils mémoriels au sens figuré, comme je m'arrache les poils du nez au réel, et j'ai un préjugé sur le sujet qui me viens de Marc et ses poils de nez.

Par contre, je m'interdis désormais, ayant eu trop de poils du nez tirés (laissant des doutes sur ma pureté militante passée, mais aussi présente) de juger les gens qui ont du poil au nez ... comme Marc.

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